jeudi 6 décembre 2012

Méfaits de l'égalitarisme

 
L'uniformisation réductrice et nivelante engendrée par le monde moderne est une des conséquences de l'égalitarisme. C'est une conception qui se fonde sur la prédominance de la quantité sur la qualité et débouche sur la négation réductrice de toute hiérarchie. L'injustice est la seule victorieuse puisqu'elle ramène au plus petit dénominateur commun, tout l'ensemble des individus. La négation des différences produit une confusion social, puisque personne ne se trouve plus à la place qui lui convient selon sa nature propre .
Le nivellement, se produisant toujours par le bas, il s'ensuit, par un effet d'entrainement invincible, une massification ou le quantitatif prédomine et devient d'autorité le seul critère. Outre les pernicieuses influences du nivèlement sur l'éducation et la formation de ceux qui devraient au contraire bénéficier d'un procesus d'élévation, cette massification conduit les sociétés occidentales vers un matérialisme brutal, qui est donné et imposé comme unique modéle à l'ensemble de la planète, ce qui a pour résultat, une chute dans un amoindrissement qualitatif mondial, amoindrissement radical. Non contents d'uniformiser les êtres, les théories modernes, issues de l'Egalitarisme, étendent cette uniformisation aux choses, en créant par le biais de l'industrialisation massive de "l'abstraction" en série et a la chaîne, noyant de la sorte toutes les sociétés modernes sous un déluge de biens de consommation. Des biens totalement et absolument inutiles, mais qui alimentent le système et l'amène inexorablement vers la transformation artificielle du monde.

La crise du monde moderne : chap VI (le chaos social) - René Guénon 1886-1951

lundi 19 novembre 2012

Vive le Québec libre !


« C'est une immense émotion qui remplit mon cœur en voyant devant moi la ville de Montréal française. (ovation du public) Au nom du vieux pays, au nom de la France, je vous salue. Je vous salue de tout mon cœur ! Je vais vous confier un secret que vous ne répèterez pas, (rires) ce soir ici, et tout le long de ma route, je me trouvais dans une atmosphère du même genre que celle de la Libération. (longue ovation)

Et tout le long de ma route, outre cela, j'ai constaté quel immense effort de progrès, de développement, et par conséquent d'affranchissement (ovation) vous accomplissez ici et c'est à Montréal qu'il faut que je le dise, (ovation) parce que, s'il y a au monde une ville exemplaire par ses réussites modernes, c'est la vôtre ! (ovation) Je dis c'est la vôtre et je me permets d'ajouter, c'est la nôtre. (ovation)

Si vous saviez quelle confiance la France réveillée, après d'immenses épreuves, porte maintenant vers vous. Si vous saviez quelle affection, elle recommence à ressentir pour les Français du Canada, (ovation) et si vous saviez à quel point, elle se sent obligée de concourir à votre marche en avant, à votre progrès ! C'est pourquoi elle a conclu avec le gouvernement du Québec, avec celui de mon ami Johnson (ovation) des accords, pour que les Français de part et d'autre de l'Atlantique travaillent ensemble à une même œuvre française. (ovation)

Et, d'ailleurs, le concours que la France va, tous les jours un peu plus, prêter ici, elle sait bien que vous le lui rendrez, parce que vous êtes en train de vous constituer des élites, des usines, des entreprises, des laboratoires, qui feront l'étonnement de tous et qui, un jour, j'en suis sûr, vous permettront d'aider la France. (ovation)

Voilà ce que je suis venu vous dire ce soir en ajoutant que j'emporte de cette réunion inouïe de Montréal un souvenir inoubliable. La France entière sait, voit, entend, ce qui se passe ici et je puis vous dire qu'elle en vaudra mieux.

Vive Montréal ! Vive le Québec ! (ovation)
Vive le Québec... libre ! (très longue ovation)
Vive le Canada français ! Et vive la France ! (ovation) »
 
Charles de Gaulle - Hôtel de ville de Montréal le 24 juillet 1967

samedi 10 novembre 2012

Le mot de Cambronne

Edouard Charles ARMAND-DUMARESQ (1826-1895) : "Le Général Cambronne à Waterloo".

"J'étais au premier rang, avantage que je devais à ma grande taille. L'artillerie anglaise nous foudroyait et nous répondions à chaque décharge par une fusillade de moins en moins nourrie. Entre deux décharges le général Anglais nous cria en français "Grenadiers rendez vous ! " Cambronne répliqua " la garde meurt mais ne se rend pas ! " Je l'ai parfaitement entendu, j'étais à deux mètres de lui.

Le général anglais commanda le feu. Nous reformâmes le carré ; "Grenadiers rendez vous ! Vous serez traités comme les plus beaux soldats du monde !" reprit la voix stricte du général Anglais. Cambronne répliqua à nouveau "La garde meurt mais ne se rend pas !" Tous ceux qui étaient proches de Cambronne dont moi, répétâmes cette phrase, reprise bientôt par tout le carré. Nous essuyâmes une nouvelle terrible décharge. Nous reformâmes encore le carré et nous ouvrîmes le feu à notre tour…
Cette fois ce furent tous les soldats anglais qui nous cernant de toutes parts nous implorèrent de nous rendre... "Grenadiers rendez vous ! rendez vous !"

C'est alors que fou d'impatience et de colère, Cambronne lâcha le fameux "Merde !"
Ce fut le dernier mot que j'entendis car je reçus un boulet dans mon colback qui m'étendit sans connaissance sur un tas de cadavres."

Antoine Deleau (Waterloo - 18 juin 1815)
***
Qui a vaincu à Waterloo ?...C'est un mot ! Un mot qui fracture la poitrine, une insulte à la foudre ! Le plus beau mot qu'un français ait répété ! Dire ce mot et mourir ensuite quoi de plus grand ? C'est foudroyer le tonnerre !


Victor Hugo (Les misérables.1862)

NB : Il semble que le fameux "Merde" du général Cambronne soit un euphémisme, car plusieurs témoins ont déclaré : "Cambronne a dit aux Anglais d'aller se faire f.....!" Il y eut même un procès à ce sujet. En tous cas, la bonne version ne sera jamais connue. Seule certitude, Cambronne a dit quelque chose à l'adresse des Anglais, et ça n'était sûrement pas un compliment.

FT : Dans la vie, comme sur le champ de bataille ; ne se rendre jamais !

dimanche 28 octobre 2012

Bossuet - sermons (la multitude)


Mon Sauveur, vous êtes trop incompatible, on ne peut s'accommoder avec vous, la multitude ne sera pas de votre côté. Aussi, mes frères, ne la veut-il pas. C'est la multitude qu'il a noyée par les eaux du déluge ; c'est la multitude qu'il a consumée par les feux du ciel ; c'est la multitude qu'il a abîmée dans les flots de la mer Rouge ; c'est la multitude qu'il a réprouvée, autant de fois qu'il a maudit dans son Evangile le monde et ses vanités. C'est pour engloutir cette malheureuse et damnable multitude dans les cachots éternels, que « l'enfer, dit le prophète Isaïe, s'est dilaté démesurément ; et les forts et les puissants, et les grands du monde s'y précipitent en foule. » O monde ! ô multitude ! ô troupe innombrable ! je crains ta société malheureuse ! Le nombre ne me défendra pas contre mon juge ; la troupe des témoins ne me justifiera pas ; ma conscience m'accuse ; je crains que mon Sauveur ne se change en juge implacable : Sicut lœtatus est Dominus super vos bene vobis faciens atque multiplicans, sic lœtabitur disperdens vos atque subvertens : « Comme le Seigneur s'est plu à vous bénir et à vous multiplier, ainsi se plaira-t-il à vous détruire et à vous ruiner. » Quand Dieu entreprendra d'égaler sa justice à ses miséricordes et de venger ses bontés si indignement méprisées, je ne me sens pas assez fort pour soutenir l'effort redoutable, ni les coups incessamment redoublés d'une main si rude et si pesante. Je me ris des jugements des hommes du monde et de leurs folles pensées.

Bossuet - sermon sur le mystère de la nativité de notre Seigneur

FT : La démocratie d'opinion n'est rien d'autre que l'expression de la multitude et de son conformisme

mercredi 26 septembre 2012

Europe : le torchon brûle

FT : le nihilisme ne marche qu'un temps... :o)

(Je récuse le qualificatif "d'eurosceptique" qui laisse à penser que tout le monde serait pour l'Europe et qu'il n'y aurait en France, en somme - tout au plus -, que des gens habités par le doute : l'union européenne, je suis contre !)
Tristesse

J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.

Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'était une amie ;
Quand je l'ai comprise et sentie,
J'en étais déjà dégoûté.

Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici-bas ont tout ignoré.

Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré.
 
 Alfred de MUSSET (1810-1857)

samedi 15 septembre 2012

L’Aigle du casque - V. Hugo

 
 

[...] Tremblant, piquant des deux, du côté qui descend,
Devant lui, n'importe où, dans la profondeur fauve,
Les bras au ciel, l'enfant épouvanté se sauve.
Son cheval l'aime et fait de son mieux. La forêt
L'accepte et l'enveloppe, et l'enfant disparaît.
Tous se sont écartés pour lui livrer passage.
En le risquant ainsi son aïeul fut-il sage ?
Nul ne le sait ; le sort est de mystères plein ;
Mais la panique existe et le triste orphelin
Ne peut plus que s'enfuir devant la destinée.
Ah ! pauvre douce tête au gouffre abandonnée !
Il s'échappe, il s'esquive, il s'enfonce à travers
Les hasards de la fuite obscurément ouverts,
Hagard, à perdre haleine, et sans choisir sa route ;
Une clairière s'offre, il s'arrête, il écoute,
Le voilà seul ; peut-être un dieu l'a-t-il conduit ?
Tout à coup il entend dans les branches du bruit... —

Ainsi dans le sommeil notre âme d'effroi pleine
Parfois s'évade et sent derrière elle l'haleine
De quelque noir cheval de l'ombre et de la nuit ;
On s'aperçoit qu'au fond du rêve on vous poursuit.


[...] Ce fut dans on ne sait quel ravin inconnu
Que Tiphaine atteignit le pauvre enfant farouche ;
L'enfant pris n'eut pas même un râle dans la bouche ;
Il tomba de cheval, et morne, épuisé, las,
Il dressa ses deux mains suppliantes, hélas !
Sa mère morte était dans le fond de la tombe,
Et regardait.

Tiphaine accourt, s'élance, tombe
Sur l'enfant, comme un loup dans les cirques romains,
Et d'un revers de hache il abat ces deux mains
Qui dans l'ombre élevaient vers les cieux la prière ;
Puis, par ses blonds cheveux dans une fondrière
Il le traîne.
Et riant de fureur, haletant,
Il tua l'orphelin et dit : Je suis content !
Ainsi rit dans son antre infâme la tarasque.

*

Alors l'aigle d'airain qu'il avait sur son casque,
Et qui, calme, immobile et sombre, l'observait,
Cria : Cieux étoilés, montagnes que revêt
L'innocente blancheur des neiges vénérables,
Ô fleuves, ô forêts, cèdres, sapins, érables,
Je vous prends à témoin que cet homme est méchant !
Et cela dit, ainsi qu'un piocheur fouille un champ,
Comme avec sa cognée un pâtre brise un chêne,
Il se mit à frapper à coups de bec Tiphaine ;
Il lui creva les yeux ; il lui broya les dents ;
Il lui pétrit le crâne en ses ongles ardents
Sous l'armet d'où le sang sortait comme d'un crible,
Le jeta mort à terre, et s'envola terrible.

Victor Hugo La Légende des siècles

Avertissements et châtiments

dimanche 2 septembre 2012

mardi 28 août 2012

Ennio Morricone - "la fièvre de l'or"


 
"Tu vois, Tuco, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses."


[cliquer sur le rectangle en bas à droite pour agrandir]

mercredi 1 août 2012

Assomons les pauvres ! - C. Baudelaire

Pendant quinze jours je m'étais confiné dans ma chambre, et je m'étais entouré des livres à la mode dans ce temps-là (il y a seize ou dix-sept ans); je veux parler des livres où il est traité de l'art de rendre les peuples heureux, sages et riches, en vingt-quatre heures. J'avais donc digéré, - avalé, veux-je dire, toutes les élucubrations de tous ces entrepreneurs de bonheur public, - de ceux qui conseillent à tous les pauvres de se faire esclaves, et de ceux qui leur persuadent qu'ils sont tous des rois détrônés. - On ne trouvera pas surprenant que je fusse alors dans un état d'esprit avoisinant le vertige ou la stupidité.
Il m'avait semblé seulement que je sentais, confiné au fond de mon intellect, le germe obscur d'une idée supérieure à toutes les formules de bonne femme dont j'avais récemment parcouru le dictionnaire. Mais ce n'était que l'idée d'une idée, quelque chose d'infiniment vague.
Et je sortis avec une grande soif. Car le goût passionné des mauvaises lectures engendre un besoin proportionnel du grand air et des rafraîchissants.
Comme j'allais entrer dans un cabaret, un mendiant me tendit son chapeau, avec un de ces regards inoubliables qui culbuteraient les trônes, si l'esprit remuait la matière, et si l'oeil d'un magnétiseur faisait mûrir les raisins.
En même temps, j'entendis une voix qui chuchotait à mon oreille, une voix que je reconnus bien; c'était celle d'un bon Ange, ou d'un bon Démon, qui m'accompagne partout. Puisque Socrate avait son bon Démon, pourquoi n'aurais-je pas mon bon Ange, et pourquoi n'aurais-je pas l'honneur, comme Socrate, d'obtenir mon brevet de folie, signé du subtil Lélut et du bien avisé Baillarger?
Il existe cette différence entre le Démon de Socrate et le mien, que celui de Socrate ne se manifestait à lui que pour défendre, avertir, empêcher, et que le mien daigne conseiller, suggérer, persuader. Ce pauvre Socrate n'avait qu'un Démon prohibiteur; le mien est un grand affirmateur, le mien est un Démon d'action, un Démon de combat.
Or, sa voix me chuchotait ceci: "Celui-là seul est l'égal d'un autre, qui le prouve, et celui-là seul est digne de la liberté, qui sait la conquérir." Immédiatement, je sautai sur mon mendiant. D'un seul coup de poing, je lui bouchai un oeil, qui devint, en une seconde, gros comme une balle. Je cassai un de mes ongles à lui briser deux dents, et comme je ne me sentais pas assez fort, étant né délicat et m'étant peu exercé à la boxe, pour assommer rapidement ce vieillard, je le saisis d'une main par le collet de son habit, de l'autre, je l'empoignai à la gorge, et je me mis à lui secouer vigoureusement la tête contre un mur. Je dois avouer que j'avais préalablement inspecté les environs d'un coup d'oeil, et que j'avais vérifié que dans cette banlieue déserte je me trouvais, pour un assez long temps, hors de la portée de tout agent de police.
Ayant ensuite, par un coup de pied lancé dans le dos, assez énergique pour briser les omoplates, terrassé ce sexagénaire affaibli, je me saisis d'une grosse branche d'arbre qui traînait à terre, et je le battis avec l'énergie obstinée des cuisiniers qui veulent attendrir un beefteack.
Tout à coup, - ô miracle! ô jouissance du philosophe qui vérifie l'excellence de sa théorie! - je vis cette antique carcasse se retourner, se redresser avec une énergie que je n'aurais jamais soupçonnée dans une machine si singulièrement détraquée, et, avec un regard de haine qui me parut de bon augure, le malandrin décrépit se jeta sur moi, me pocha les deux yeux, me cassa quatre dents, et avec la même branche d'arbre me battit dru comme plâtre. - Par mon énergique médication, je lui avais donc rendu l'orgueil et la vie.
Alors, je lui fis force signes pour lui faire comprendre que je considérais la discussion comme finie, et me relevant avec la satisfaction d'un sophiste du Portique, je lui dis: "Monsieur, vous êtes mon égal! veuillez me faire l'honneur de partager avec moi ma bourse; et souvenez-vous, si vous êtes réellement philanthrope, qu'il faut appliquer à tous vos confrères, quand ils vous demanderont l'aumône, la théorie que j'ai eu la douleur d'essayer sur votre dos."
Il m'a bien juré qu'il avait compris ma théorie, et qu'il obéirait à mes conseils.

FT : "hommage" de Baudelaire au socialisme :o))                

jeudi 5 juillet 2012

La chanson de Roland


Le comte Roland a la bouche sanglante.
De son front la tempe s'est rompue.
Il sonne l'olifant avec douleur, avec angoisse.
Charles l'entend, et ses Français l'entendent.
Le roi dit : « ce cor a longue haleine ».
Le duc Naîmes répond : « c'est qu'un vaillant s'y donne peine ; il livre bataille, j'en suis sûr, et celui-là a trahi Roland qui vous conseille de ne pas vous en soucier. Armez-vous, poussez votre cri de guerre et secourez votre noble maison ; vous entendez assez la plainte de Roland !»

La chanson de Roland


samedi 5 mai 2012

La nuit de mai - Alfred de Musset

Lord Frederick Leighton
"le pêcheur et la sirène"
       
                   Le Poète

Est-ce toi dont la voix m'appelle,
O ma pauvre Muse ! est-ce toi ?
O ma fleur ! ô mon immortelle !
Seul être pudique et fidèle
Où vive encore l'amour de moi !
Oui, te voilà, c'est toi, ma blonde,
C'est toi, ma maîtresse et ma sœur !
Et je sens, dans la nuit profonde,
De ta robe d'or qui m'inonde
Les rayons glisser dans mon cœur.

La nuit de mai (extrait) - Alfred de Musset 

FT : Le poème sur fond musical
http://www.youtube.com/watch?v=kIFbIHWMFgA

dimanche 22 avril 2012

Chacun sa chimère - C. Baudelaire

Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse, sans chemins, sans gazon, sans un chardon, sans une ortie, je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés.

Chacun d'eux portait sur son dos une énorme Chimère, aussi lourde qu'un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d'un fantassin romain.

Mais la monstrueuse bête n'était pas un poids inerte; au contraire, elle enveloppait et opprimait l'homme de ses muscles élastiques et puissants; elle s'agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture et sa tête fabuleuse surmontait le front de l'homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l'ennemi.

Je questionnai l'un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu'il n'en savait rien, ni lui, ni les autres; mais qu'évidemment ils allaient quelque part, puisqu'ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher.

Chose curieuse à noter : aucun de ces voyageurs n'avait l'air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos; on eût dit qu'il la considérait comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d'aucun désespoir; sous la coupole spleenétique' du ciel, les pieds plongés dans la poussière d'un sol aussi désolé que ce ciel, ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours.

Et le cortège passa à côté de moi et s'enfonça dans l'atmosphère de l'horizon, à l'endroit où la surface arrondie de la planète se dérobe à la curiosité du regard humain.

Et pendant quelques instants je m'obstinai à vouloir comprendre ce mystère; mais bientôt l'irrésistible Indifférence s'abattit sur moi, et j'en fus plus lourdement accablé qu'ils ne l'étaient eux-mêmes par leurs écrasantes Chimères.
***
FT : cette allégorie illustre assez bien le dilemne que me pose le choix d'un candidat pour le 2e tour des Présidentielles... la peste ou le choléra ? Peut-être un début de réponse...

mercredi 18 avril 2012

Ravel - Bolero. Sergiu Celibidache 1971

Sergiu Celibidache est un chef d'orchestre roumain, né le 28 juin 1912 à Roman (Roumanie) et mort le 14 août 1996 à La Neuville-sur-Essonne, près de Pithiviers (France).


FT : Attention ce chef d'orchestre est fou mais... génial (cf apothéose finale)

lundi 2 avril 2012

Psaume 21. (I-II) Prière du serviteur souffrant.


Cheval attaqué par un Lion - Gericault
Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m'as-tu abandonné ?
Le salut est loin de moi,
loin des mots que je rugis.

Mon Dieu, je t'appelle tout le jour,
et tu ne réponds pas ;
même la nuit,
je n'ai pas de repos.

Toi, pourtant tu es saint,
toi qui habites les hymnes d'Israël !
C'est en toi que nos pères espéraient,
ils espéraient et tu les délivrais.
Quand ils criaient vers toi, ils échappaient ;
en toi ils espéraient et n'étaient pas déçus.

Et moi, je suis un ver, pas un homme,
raillé par les gens, rejeté par le peuple.
Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
"Il comptait sur le Seigneur : qu'il le délivre !
Qu'il le sauve, puisqu'il est son ami !"

C'est toi qui m'as tiré du ventre de ma mère,
qui m'a mis en sûreté entre ses bras.
A toi je fus confié dès ma naissance ;
dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu.

Ne sois pas loin : l'angoisse est proche,
je n'ai personne pour m'aider.
Des fauves nombreux me cernent,
des taureaux de Basan m'encerclent.
Des lions qui déchirent et rugissent
ouvrent leur gueule contre moi.

Je suis comme l'eau qui se répand,
tous mes membres se disloquent.
Mon coeur est comme la cire,
il fond au milieu de mes entrailles.
Ma vigueur a séché comme l'argile,
ma langue colle à mon palais.

Tu me mènes à la poussière de la mort.
Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m'entoure.
Ils me percent les mains et les pieds;
je peux compter tous mes os.

Ces gens me voient, ils me regardent.
Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.

Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !
Préserve ma vie de l'épée,
arrache-moi aux griffes du chien;
sauve-moi de la gueule du lion
et de la corne des buffles.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit,
pour les siècles des siècles. Amen.

mercredi 7 mars 2012

L'unanimité est-elle nécessairement bonne ?

Saint-Michel terrassant la Bête
Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 12,49-53.

Jésus disait à ses disciples :


« Je suis venu jeter le feu sur la terre, et que désiré-je sinon qu'il s'allume ? Je dois recevoir un baptême, et combien me sens-je pressé jusqu'à ce qu'il s'accomplisse ! Croyez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non, je vous assure, mais plutôt la division. Car désormais s'il se trouve cinq personnes dans une maison, elle seront divisées les unes des autres : trois contre deux et deux contre trois. Le père sera en division avec le fils, et le fils avec le père ; la mère avec la fille et la fille avec la mère, la belle-mère avec la belle-fille et la belle-fille avec la belle-mère. »

FT : ceux qui - par amour du consensus, par conformisme ou par lâcheté - refusent la polémique ; ne sont pas fidèles aux écritures.

lundi 20 février 2012

Charles Baudelaire : du socialisme - du progressisme


"[...] C’est lui (Edgard Poe) qui a dit, à propos du socialisme, à l’époque où celui-ci n’avait pas encore un nom, où ce nom du moins n’était pas tout à fait vulgarisé : « Le monde est infesté actuellement par une nouvelle secte de philosophes, qui ne se sont pas encore reconnus comme formant une secte, et qui conséquemment n’ont pas adopté de nom. Ce sont les croyants à toute vieillerie (comme qui dirait : prédicateurs en vieux). Le grand prêtre dans l’Est est Charles Fourier, — dans l’Ouest, Horace Greely ; et grands prêtres ils sont à bon escient. Le seul lien commun parmi la secte est la crédulité ; — appelons cela démence, et n’en parlons plus. Demandez à l’un d’eux pourquoi il croit ceci ou cela ; et, s’il est consciencieux (les ignorants le sont généralement), il vous fera une réponse analogue à celle que fit Talleyrand, quand on lui demanda pourquoi il croyait à la Bible. « J’y crois, » dit-il, « d’abord parce que je suis évêque d’Autun, et en second lieu parce que je n’y entends absolument rien. » Ce que ces philosophes-là appellent argument est une manière à eux de nier ce qui est et d’expliquer ce qui n’est pas. »

Le progrès, cette grande hérésie de la décrépitude, ne pouvait pas non plus lui échapper. Le lecteur verra, en différents passages, de quels termes il se servait pour la caractériser. On dirait vraiment, à voir l’ardeur qu’il y dépense, qu’il avait à s’en venger comme d’un embarras public, comme d’un fléau de la rue. Combien eût-il ri, de ce rire méprisant du poète qui ne grossit jamais la grappe des badauds, s’il était tombé, comme cela m’est arrivé récemment, sur cette phrase mirifique qui fait rêver aux bouffonnes et volontaires absurdités des paillasses, et que j’ai trouvée se pavanant perfidement dans un journal plus que grave : Le progrès incessant de la science a permis tout récemment de retrouver le secret perdu et si longtemps cherché de… (feu grégeois, trempe de cuivre, n’importe quoi disparu), dont les applications les plus réussies remontent à une époque barbare et très ancienne !!! — Voilà une phrase qui peut s’appeler une véritable trouvaille, une éclatante découverte, même dans un siècle de progrès incessant ; mais je crois que la momie Allamistakeo n’aurait pas manqué de demander, avec le ton doux et discret de la supériorité, si c’était aussi grâce au progrès incessant, — à la loi fatale, irrésistible, du progrès, — que ce fameux secret avait été perdu. — Aussi bien, pour laisser là le ton de la farce, en un sujet qui contient autant de larmes que de rire, n’est-ce pas une chose véritablement stupéfiante de voir une nation, plusieurs nations, toute l’humanité bientôt, dire à ses sages, à ses sorciers : « Je vous aimerai et je vous ferai grands, si vous me persuadez que nous progressons sans le vouloir, inévitablement, — en dormant ; débarrassez-nous de la responsabilité, voilez pour nous l’humiliation des comparaisons, sophistiquez l’histoire, et vous pourrez vous appeler les sages des sages » ? N’est-ce pas un sujet d’étonnement que cette idée si simple n’éclate pas dans tous les cerveaux : que le progrès (en tant que progrès il y ait) perfectionne la douleur à la proportion qu’il raffine la volupté, et que, si l’épiderme des peuples va se délicatisant, ils ne poursuivent évidemment qu’une Italiam fugientem, une conquête à chaque minute perdue, un progrès toujours négateur de lui-même ?
Mais ces illusions, intéressées d’ailleurs, tirent leur origine d’un fonds de perversité et de mensonge, — météores des marécages, — qui poussent au dédain les âmes amoureuses du feu éternel, comme Edgar Poe, et exaspèrent les intelligences obscures, comme Jean-Jacques*, à qui une sensibilité blessée et prompte à la révolte tient lieu de philosophie.
[...] L’homme civilisé invente la philosophie du progrès pour se consoler de son abdication et de sa déchéance ; cependant que l’homme sauvage, époux redouté et respecté, guerrier contraint à la bravoure personnelle, poète aux heures mélancoliques où le soleil déclinant invite à chanter le passé et les ancêtres, rase de plus près la lisière de l’idéal. Quelle lacune oserons-nous lui reprocher ? Il a le prêtre, il a le sorcier et le médecin. Que dis-je ? Il a le dandy, suprême incarnation de l’idée du beau transportée dans la vie matérielle, celui qui dicte la forme et règle les manières. Ses vêtements, ses parures, ses armes, son calumet, témoignent d’une faculté inventive qui nous a depuis longtemps désertés. Comparerons-nous nos yeux paresseux et nos oreilles assourdies à ces yeux qui percent la brume, à ces oreilles qui entendraient l’herbe qui pousse ? [...] — Quant à la religion, je ne parlerai pas de Vitzilipoutzli aussi légèrement que l’a fait Alfred de Musset ; j’avoue sans honte que je préfère de beaucoup le culte de Teutatès à celui de Mammon** et le prêtre qui offre au cruel extorqueur d’hosties humaines des victimes qui meurent honorablement, des victimes qui veulent mourir, me paraît un être tout à fait doux et humain, comparé au financier qui n’immole les populations qu’à son intérêt propre. De loin en loin, ces choses sont encore entrevues, et j’ai trouvé une fois dans un article de M. Barbey d’Aurevilly une exclamation de tristesse philosophique qui résume tout ce que je voudrais dire à ce sujet : « Peuples civilisés, qui jetez sans cesse la pierre aux sauvages, bientôt vous ne mériterez même plus d’être idolâtres ! » [...]"

Charles Baudelaire
Notes nouvelles sur les "Histoires extraordinaires" d'Edgard Poe - Traduction par Charles Baudelaire. - A. Quantin, 1884 (pp. i-xix).
* FT : il y a de fortes chances pour qu'il s'agisse de Jean-Jacques Rousseau, qui a fait naître l'homme naturellement bon... :o))))
** FT : démon idolâtré par ceux qui vouent un culte à l'argent, aux choses matérielles ; dans la Bible

dimanche 5 février 2012

jeudi 2 février 2012

Emile Waldteufel - Amour et Printemps

Charles Émile Lévy Waldteufel, connu sous le nom d'Émile Waldteufel, est un compositeur français né à Strasbourg le 9 décembre 1837 et mort à Paris le 12 février 1915.

version symphonique :
http://www.youtube.com/watch?v=N_1YvLXaumU

version orgue de barbarie :
http://www.youtube.com/watch?v=st4pIb2jRQc

vendredi 20 janvier 2012

La mise en coupe réglée des états souverains

"Comment sommes-nous passés, d’une société où, malgré toutes les imperfections humaines et sociales, l’économie travaillait pour l’homme, à une société où l’homme travaille pour l’économie et l’économie pour la finance ?
Au centre de ce changement de nature, il y a, en France, la loi du 3 janvier 1973. Cette loi à peu près inconnue du grand public a en effet bouleversé l’organisation de la finance, et ses rapports avec l’État, garant de l’intérêt général. En effet, cette loi, directement inspirée du système américain de la FED (réserve fédérale américaine), interdit à la Banque centrale de faire des avances au Trésor. Dit autrement, de prêter directement à l’État de l’argent à taux zéro ou à un taux équivalent à celui qui prévaut lorsque la Banque centrale prête de l’argent aux banques.
Dès lors, en vertu de cette loi, l’État est obligé de passer par le système des banques privées pour financer son endettement. Cette loi constitue en elle-même un véritable défi à la souveraineté étatique, puisqu’elle interdit au Souverain - l’État démocratique étant l’aboutissement politique et juridique du Peuple souverain - de se donner l’argent dont il est pourtant le seul garant et seul émetteur de monnaie de base. Et elle l’oblige, pour emprunter, à passer par des tiers privés (les banques) qui lui prêtent l’argent dont il est cependant le fournisseur en dernier ressort ! Une situation déjà ubuesque en elle-même, mais qui s’est encore aggravée depuis, puisque, en volant au secours des institutions financières lors de la crise de 2008, l’État est également devenu le fournisseur en premier ressort de ces mêmes institutions qui aujourd’hui lui reprochent son endettement, et lui appliquent en conséquence des taux usuraires…
[…] avec la loi de 1973, la France changeait en réalité de monde en mettant à mort le système qui pourtant avait permis sa reconstruction et son renouveau industriel. Il faut en effet en être bien conscient : sans les avances gratuites du Trésor, l’inflation et les dévaluations, la France d’après-guerre n’aurait pas pu se reconstruire. Si la France avait choisi la finance et le remboursement des dettes, à la sortie de la Seconde guerre mondiale, elle ne se serait jamais relevée, car elle aurait croulé sous le poids du passé. Si l’intérêt supérieur de la France n’avait pas été au-dessus, des épargnants, du rentier et du système financier pour privilégier l’économie réelle, la fabrication de véritables richesses industrielles, issues pour la plupart alors des grands programmes de l’État, n’aurait pas été possible. Jamais la France ne se serait hissée à la quatrième puissance économique mondiale avant 1970, si le Général de Gaulle n’avait pas mis la finance au service de l’économie du pays."

Jean-Luc Schaffhauser
Jean-Luc Schaffhauser est Délégué Général de la Fondation CAPEC

à l'origine de la loi :
Georges Pompidou (Président de la république de 1969-1974). En 1953, il entra à la banque Rothschild, où il occupa rapidement les fonctions de directeur général et d’administrateur de nombreuses sociétés.

Valery Giscard d'Estaing, ministre des finances

Ses pendants européens : constitution Européenne : article 123 du
Traité de Lisbonne ou l'article 104 du traité de Maastricht qui sont
exactement la même loi mais pour tous les états membres



Phryné devant l'aréopage (1861) - Jean-Léon Gérôme [cliquer pr agrandir]
(FT : on croirait une allégorie de la Vérité. A sa vue, il faut les voir se récrier tous ces caciques)

vendredi 6 janvier 2012

1412-2012 : 600 ème anniversaire de la naissance de Jeanne d'Arc

 
Lettre de Jeanne d'Arc aux Anglais - 22 mars 1429

Au Duc de Bedfort se disant régent du Royaume de France ou à ses lieutenants étant devant la ville d'Orléans


† JHESUS MARIA † 

"Roy d'Angleterre, et vous, duc de Bedfort, qui vous dites régent du royaume de France ; vous, Guillaume de la Poule, comte de Suffolk ; Jehan, sire de Talebot; et vous, Thomas, sire d'Escales, qui vous dites lieutenant dudit duc de Bedfort, faites raison au Roy du ciel de son sang Royal ; rendez à la Pucelle qui est cy envoyé
e de par Dieu, le Roy du ciel, les clefs de toutes les bonnes villes que vous avez prises et violées en France. Elle est ci venue de par Dieu pour réclamer les droits du sang Royal. Elle est toute prête de faire paix , si vous lui voulez faire raison, c'est-à-dire si vous abandonnez le territoire de la France, en nous indemnisant des maux que vous nous aurez causés. Et vous tous, archers, compagnons de guerre et autres qui êtes devant la ville d'Orléans, allez vous-en en vostre pays, de par Dieu ; et si ainsi ne faites, attendez des nouvelles de la Pucelle qui vous ira voir bientôt à votre grand dommage.

Roy d'Angleterre, si ainsi ne faites, je suis chef de guerre, et en quelque lieu que j'atteindrai vos gens en France, je les en ferai aller, qu'ils le veuillent ou non, et s'ils ne veulent obéir, je les ferai tous occire. Je suis cy envoyée de par Dieu, le Roy du ciel, corps pour corps, pour vous bouter hors de toute France. Et si vos gens veulent obéir, je les prendrai à merci. Et n'allez point vous imaginer, que vous tiendrez jamais le royaume de France de Dieu, le Roy du ciel, fils de sainte Marie. Celui qui le tiendra, c'est le roy Charles, vrai héritier ; car telle est la volonté de Dieu le Roy du ciel, qui a été révélé au Roy de France par la Pucelle, et il entrera à Paris à bonne compagnie. Si ne voulez croire les nouvelles que Dieu vous envoie par la Pucelle, en quelque lieu que nous vous trouvions, nous frapperons de bons horions et nous ferons un tel tumulte qu'il n'y en aura pas eu d'aussi grand en France depuis mille ans, si vous ne nous faites raison. Croyez fermement que le Roy du ciel enverra plus de force à la Pucelle, que vous n'en pourrez rassembler contre elle et ses vaillants hommes de guerres ; et l'on verra bien aux horions qui a meilleur droit, du Dieu du ciel ou de vous. Vous, duc de Bedfort, la Pucelle vous prie et vous supplie que vous ne vous fassiez détruire. Si vous lui faites raison, vous pourrez encore venir en sa compagnie, là où les Français feront le plus beau fait d'armes qui ait jamais été accompli pour la Chrétienté. Répondez si vous voulez faire la paix en la cité d'Orléans; et si ainsi ne faites, qu'il vous souvienne qu'il vous adviendra bientôt de grands dommages.
"Ecrit ce mardi de la semaine sainte,


De par la Pucelle."


lundi 2 janvier 2012

Bergheim - Alsace - le 26/12/2010 (- 19° C.)
Bonne et heureuse année 2012