lundi 27 octobre 2014

Les soliloques du pauvre - Jehan Rictus (1897 - extraits)

 
 
[...] v’là l’ temps ousque dans la Presse,
Entre un ou deux lanc’ments d’ putains,
On va r’découvrir la Détresse,
La Purée et les Purotains !

Les jornaux, mêm’ ceuss’ qu’a d’ la guigne,
À côté d’artiqu’s festoyants
Vont êt’ pleins d’appels larmoyants,
Pleins d’ sanglots... à trois sous la ligne !

Merd’, v’là l’Hiver, l’Emp’reur de Chine
S’ fait flauper par les Japonais !
Merd’ ! v’là l’Hiver ! Maam’ Sév’rine
Va rouvrir tous ses robinets !

C’ qui va s’en évader des larmes !
C’ qui va en couler d’ la piquié !
Plaind’ les Pauvr’s c’est comm’ vendr’ ses charmes
C’est un vrai commerce, un méquier !
 
*
 
[...] L’en faut, des Pauvr’s, c’est nécessaire,
Afin qu’ tout un chacun s’exerce,
Car si y gn’ aurait pus d’ misère
Ça pourrait ben ruiner l’ Commerce.

*
 
[...] On croit s’ battr’ pour l’Humanité,
J’ t’en fous... c’est pour qu’ les Forts s’engraissent
Et c’est pour que l’ Commerce y r’naisse
Avec bien pus d’ sécurité.

jeudi 23 octobre 2014

Georges Bernanos, La France contre les robots

 
"La Civilisation des machines est la civilisation de la quantité opposée à celles de la qualité. Les imbéciles y dominent donc par le nombre, ils y sont le nombre. […] Un monde dominé par la Force est un monde abominable, mais le monde dominé par le Nombre est ignoble. La Force fait tôt ou tard surgir des révoltés, elle engendre l’esprit de Révolte, elle fait des héros et des martyrs. La tyrannie abjecte du Nombre est une infection lente qui n’a jamais provoqué de fièvre. Le Nombre crée une société à son image, une société d’êtres non pas égaux, mais pareils, seulement reconnaissables à leurs empreintes digitales."
 
 Georges Bernanos, La France contre les robots


vendredi 17 octobre 2014

Bataille d'Ivry (14 mars 1590)

Bataille d'Ivry (14 mars 1590)
 
"Mes compagnons, Dieu est pour nous ! Nos ennemis sont les siens ! Ils sont deux fois plus nombreux que nous mais nous les vaincrons ! Si vous perdez vos cornettes, ralliez-vous à mon panache blanc : vous le trouverez sur le chemin de la gloire et de l'honneur !" 
 
Henri IV

dimanche 12 octobre 2014

L'orgueil précède la chute - Jules Barbey d'Aurevilly


Si, comme le disait Mirabeau l'Ancien, père de Mirabeau le Superbe, c'est une loi qu'il y ait des excréments dans toute Race, on peut se demander par quoi le dix-neuvième siècle finira. Seulement qu'importent les détails d'un drame de plus ! La seule question des temps modernes sera résolue par les faits, et il est aisé de prévoir comment elle le sera. Puisqu'en fin de compte, et quoi qu'on fasse, il n'y a jamais, sous ce ciel étoilé, et dans ce fourmillement inépuisable de sociétés, qu'un tête-à-tête éternel de l'homme et de Dieu, l'homme relèvera sa moralité, en replaçant Dieu dans sa pensée, ou il mourra de son Moi dilaté, qui crèvera comme une vessie immonde ; mais Dieu sait seul à quels pieds sanguinolents de porcher il ordonnera de l'écraser, pour l'écraser mieux ! »

 
Jules Barbey d'Aurevilly, Introduction aux Prophètes du passé.

Fénelon : la fausse liberté

 
L'amour de la liberté est une des plus dangereuses passions du cœur humain ; et il arrive de cette passion comme de toutes les autres, elle trompe ceux qui la suivent, et au lieu de la liberté véritable, elle leur fait trouver le plus dur et le plus honteux esclavage. On croit être libre, quand on ne dépend plus que de soi-même. Folle erreur ! Y a-t-il un état où l'on ne dépende pas d'autant de maîtres qu'il y a de personnes à qui l'on a relation ? Y en a-t-il un où l'on ne dépende pas encore davantage des fantaisies d'autrui que les siennes propres ? Tout le commerce de la vie n'est que gêne, par la captivité des bienséances et par la nécessité de plaire aux autres. D'ailleurs nos passions sont pires que les plus cruels tyrans. Ô mon Dieu, préservez-moi de ce funeste esclavage, que l'insolence humaine n'a pas honte de nommer une liberté. C'est en Vous seul qu'on est libre. »
François de Salignac de Lamothe-Fénelon

vendredi 3 octobre 2014

Alexandre Soljenitsyne, Le déclin du courage (discours de Harvard, 1978)


Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Ouest aujourd’hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d’où l’impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel, mais ce ne sont pas ces gens-là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et, plus encore, dans les considérations théoriques qu’ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d’agir, qui fonde la politique d’un Etat sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu’on se place. Ce déclin du courage, qui semble aller ici ou là jusqu’à la perte de toute trace de virilité, se trouve souligné avec une ironie toute particulière dans les cas où les mêmes fonctionnaires sont pris d’un accès subit de vaillance et d’intransigeance, à l’égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement hors d’état de rendre un seul coup. Alors que leur langue sèche et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces    menaçantes, face aux agresseurs et à l’Internationale de la terreur.

Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant-coureur de la fin ?

Alexandre Soljenitsyne, Le déclin du courage (discours de Harvard, 1978)