vendredi 11 novembre 2016

1914-1918 : le soldat Arthur Triquet

 
Arthur Triquet naît le 17 mai 1886 à Paris. Il est l'enfant naturel d'Alida Triquet, une chemisière du quartier Saint-Gervais, d'origine picarde (Alida est le diminutif d'Aldegonde).

L'homme qu'il devient est châtain aux yeux bleus ; il mesure 1m70.

Le 18 août 1906 il épouse une polisseuse sur métaux d'origine champenoise, Alphonsine Burel, dont il aura deux enfants : Reine (1907) et René (1909).

ma grand-mère,
Reine Triquet, en 1933
(Reine, Sa fille, travaillera notamment comme ouvrière fromagère
 à la fromagerie de l'Etoile de Lachapelle-aux-pots, comme ouvrière laitière chez Gervais
à Ferrières-en-Bray et au laboratoire pharmaceutique Delalande de Courbevoie)


Il exerce alors la profession de chauffeur mécanicien.
  
Résidant à Bailleul-sur-Thérain, dans l'Oise, il effectue son service militaire de 1907 à 1909 au 51e RI (Régiment d'Infanterie) dont le casernement est à Beauvais. Durant cette période il devient "soldat musicien" (1908).  Il joue du piston et possèdera plusieurs autres instruments de musique par la suite. 
  
 
En 1912 il se sépare d'avec Alphonsine pour se remarier, en 1913, avec Berthe Seigle, une veuve issue de la bourgeoisie parisienne - il exerce désormais la profession d' "ingénieur" mécanicien (à confirmer) et réside à Romanèche-Thorins dans le Beaujolais.
 
Bien que vélocipédiste, il détient deux voitures automobiles :
 
- une voiture automobile landaulet* de marque Prima, douze chevaux, quatre cylindres modèle 1908

et ;
 
 - une voiture automobile double berline de luxe de marque Lorraine-Dietrich, vingt-huit chevaux, quatre cylindres avec conduite intérieure modèle 1912

* formée d'un compartiment à l'air libre, réservé au conducteur, et d'un coupé, muni d'une capote mobile, réservé aux voyageurs.
 
 
*** En août 1914 la guerre éclate ***
 
 
1914
C'est la mobilisation générale, Arthur est affecté comme soldat de 2e classe au 251e RI (régiment de réserve du 51e RI) ; il participe à la bataille de Maubeuge : sur la Sambre (24 août), à la bataille de Guise : Urvillers, la Folie (28-29 août) ; à la bataille de la Marne (5 au 13 septembre) : ferme de Rocq (3/09), Montceaux-lès-Provins (5, 6/09) puis dans le secteur de Reims : ferme de Godat (14/09), la Neuville ; à la reprise de l'offensive : Rouvroy (7, 8/10) et Soupir (nov)
 
1915
Aisne (toute l'année) : secteur de Soupir
 
Le 30/10/1915 il est détaché comme ouvrier militaire à l'usine Nollet et cie à Villefranche-sur- Saône (mes recherches n'ont pas permis de déterminer quelle était leur activité pendant la guerre).

1916-1917
Le 3 janvier 1916 il passe à l'usine Vermorel à Villefranche sur Saône qui fabrique des équipements viticoles et agricoles (en temps de paix), des pulvérisateurs utilisés pour nettoyer les tranchées contaminées par les gaz mais aussi des obus, des moteurs d'avions, des automobiles et des camions.
 
une tranchée ypéritée peut-être nettoyée au moyen d'un
pulvérisateur Vermorel contenant du chlorure de chaux














 

Camions sanitaires Vermorel dans un parc de stockages de véhicules destinés au transport de soldats et de munitions sur la Voie sacrée - Fondation de l’automobile Marius Berliet - Lyon
 
Le 01/07/1917, il passe au 158e RI (cantonné au Chemin des Dames toute l'année, semble t-il)

Le 29 août 1917 il est muté à l'usine carburateur Zenith à Lyon qui fabrique des carburateurs de référence pour les avions et tous les véhicules automobiles utilisés aux armées - notamment pour le char Renault FT 17.
 
 

Fin 1917 il est condamné à 1 mois de prison par le conseil de guerre de Lyon pour "blessure" involontaire (difficile à lire) et absence irrégulière prolongée (amnistié en 1925)
 
Le 13/11/1917 il passe au 17e RI : novembre région de Meaux, déplacement vers la Somme - décembre : Vosges, Bruyère, secteur Celles-sur-Plaine, la Chapelotte.
 
Le 4/12/1917 il passe au 414e RI...
 
1918
Il participe à la bataille des Vosges (janv à mars) : Granvillers, Bruyère, Raon-l'Etape - de Belgique : Westroute (avril), Locres, ferme Bruloge, mont Kemmel (avril), Locre, hospice de Locre, le cabaret rouge (fin avril) - le régiment perd alors 1400 hommes - de Champagne (mars à juin) : ouest de Reims, Jonchery, plateau de Savigny, bois de Courton, bois de Reims, Bligny.
 
Le 29/06/1918 Arthur est affecté au 500e RAS (Régiment d'Artillerie Spéciale), dépôt des chars d'assaut Renault FT 17 tout récemment créé (en mai). Après un passage à la 80e batterie, située à Marly le Roi - Fort du Trou d'Enfer, qui est chargée de l'instruction des futurs équipages des chars et qui comprend des techniciens, des unités de réparations et de dépannage ; il est envoyé à la 82e batterie, le nouveau centre d'instruction, implanté à Cercottes à proximité d'Orléans...
 
Offensive de chars Renault FT 17, dits "chars de la victoire", en 1918

Souffrant de bronchite et de courbatures, il est admis à l'hôpital d'Orléans le 22 août 1918.

...Le 26 août 1918 il meurt d'une congestion pulmonaire aiguë à l'âge de 32 ans.
 
(son nom est inscrit sur le monument aux morts de Romanèche-Thorins, en Bourgogne / et aurait dû l'être sur le livre d'or des 1 315 000 morts pour la France de 1914-1918, qui devait être déposé au Panthéon - loi du 25/10/1919 : projet interrompu par la 2e guerre mondiale et jamais mené à son terme depuis).


Il est probable qu'il ait été atteint de la grippe espagnole dont la 2e vague fit des ravages fin 1918. Parmi ses victimes : le poète Guillaume Apollinaire et l'écrivain Edmond Rostand, pour ne nommer qu'eux. 
 
FT : il était mon arrière grand-père (sa première femme, Alphonsine, mon arrière grand-mère)
 
 ***
Dés le 23 août 1914, le colonel de l'Armée française, Jean-Baptiste Eugène Estienne (le père des chars), déclare que " La victoire appartiendra dans cette guerre, à celui des deux belligérants qui parviendra le premier à placer un canon de 75 sur un véhicule capable de se mouvoir en tout terrain ".


1914-1918 & armée du Levant (Syrie-Liban-Palestine) : le soldat Désiré Andrieux

Désiré Andrieux voit le jour le 8 mai 1898 au Pommier Malsoin, hameau de la commune de Gerberoy, dans l'Oise (Picardie) - site connu, par ailleurs, pour avoir été le théâtre d'une bataille entre les Français, commandés par la Hire et Xaintraille, anciens lieutenants ici-bas de Jeanne d'Arc, et les Anglais en 1435 (victoire française : "bataille de l'Arondel"). 

Il est le fils d'Achille Andrieux et de Priska Dumoulin, tous deux journaliers. Ceux-ci proposent leurs services à la journée pour  des travaux agricoles d’appoint chez les laboureurs et les marchands fermiers, pour la filature de la laine et autres activités manuelles. Achille Andrieux sera ainsi successivement manouvrier, bûcheron puis maçon. Priska est laveuse et aide son mari à l'occasion de ses travaux forestiers.
Pendant ce temps le nourrisson est confié aux bons soins d'une nourrice.
Il prend un jour la toquerie à cette dernière de couper le biberon du chérubin avec du vin pour les vertus fortifiantes qu'on lui prête. On la remercie.

Les années passent, l'enfant grandit. En 1916 Désiré exerce la profession de garçon laitier. C'est un jeune homme châtain aux yeux bleus foncés. A 18 ans il mesure 1m75, selon les sources militaires, mais il continuera sans doute de grandir quelque peu pour atteindre une taille avoisinant les 1m80, si on en croit la mémoire familiale. C'est un homme robuste : on ne sait quelle était sa stature durant ses années de service mais il pèsera jusqu'à 107 kg à l'âge de 35 ans (sans être corpulent, toutefois). Il a la complexion d'un demi de mêlée et, de surcroît, il est ambidextre.
Mon grand-père maternel,
Désiré Andrieux,
dans les années trente
C'est un homme entier ; son tempérament est assez proche de celui de Léopold Lajeunesse, le personnage haut en couleur d'Uranus, le roman de Marcel Aymé ; fort bien campé au cinéma par Gérard Depardieu...
*** En août 1914 la guerre éclate ***

1914-1916
C'est la mobilisation générale mais Désiré est encore trop jeune pour être appelé sous les drapeaux, il travaille dans une ferme ; le maître de maison étant à la guerre (ce dernier fut fait prisonnier).

1917

Il est déclaré "bon pour le service armé" et incorporé au 3e RAC (Régiment d'Artillerie Coloniale / artillerie de marine) le 17/04/1917 comme canonnier de 2e classe - soldats qu'on surnomme familièrement les "bigors" - et participe d'avril à juin à la deuxième bataille de l'Aisne.
Du 28/08/1917 au 21/10/1917 il est si malade qu'il doit être hospitalisé.
Son régiment se tient en réserve en Alsace et en renfort dans le secteur de Reims.
Dès qu'ils ont un peu de répit, les poilus s'occupent comme ils le peuvent. Pour se changer les idées il leur arrive d'antonner des chansons populaires comme la Madelon. Désiré la chantera encore bien après la fin de la guerre...


  
1918
Début 1918, il est en Picardie où il participe à des combats défensifs à l'Ouest de l'Oise.
- Le 1er mai 1918 il passe au 1e RAC qui participe à la seconde bataille de la Marne (Champagne-Marne) et travaille à repousser l'offensive Allemande dans le secteur de Reims.
***Le 11 novembre 1918, c'est l'armistice***

Wagon de l'armistice, brûlé par les Allemands en 1945
C'est l'allégresse mais le service militaire dure alors 3 ans... le temps n'est pas encore venu pour Désiré de regagner ses pénates...
1919
- Le 25/05/1919 il passe au 43e RAC
- Le 5/06/1919 il est réaffecté au 3e RAC (Régiment d'Artillerie Coloniale)
***La France nourrit alors des ambitions coloniales au Levant***
  
Eléments contextuels :
  •  Le 30 octobre 1918 l'Empire ottoman (Turquie) qui s'était rangé aux côtés de l'Allemagne, signe l'armistice de Moudros avec les Alliés. Les provinces syriennes détachées de l'Empire ottoman sont occupées par les Anglais, les Arabes et un petit détachement de Français.
  • A la tête des Hachémites, l'Emir Fayçal soutenu par les Anglais prétend au trône de Syrie ; il proclame un gouvernement arabe provisoire, à Damas.
  • L'empire Ottoman démantelé en 1919, les Français et les Anglais se partagent le Levant conformément aux accords de Sykes-Picot...
***Le 13/06/1919 Désiré part pour l'Orient***

[Le commandement français chargé d'occuper le plus tôt possible les zones prescrites que s'arrogent les Britanniques est contraint d'employer des supplétifs faute de troupes disponibles, en attendant l'arrivée de renforts prévus en juin 1919. Désiré fait partie de ce contingent de 50000 hommes bénéficiant de l’expérience et des matériels du théâtre européen.
On ne sait rien de ce que furent ses activités militaires en Syrie, si ce n'est ce que la mémoire familiale nous en a rapporté (à prendre au conditionnel donc, cela n'est pas sans rappeler la première croisade... ) :
Désiré a été envoyé en Syrie ; la tête de pont de l'armée française étant le Liban. De là, il serait allé en Palestine qui sera sous mandat Anglais à partir de 1920. Sur la route de Jérusalem, il attrape la dysenterie et aussi, par la suite, le paludisme. En chemin il découvre la terre Sainte et, une fois arrivé à destination, se recueille sur le tombeau du Christ.

Le 12/09/1919 il passe au 242e RAC
Revenu en Syrie, il se rendra à Damas et certainement dans la partie septentrionale du pays (zone d'incursions Turques) car il évoquera souvent "les gorges de Karatchouk", bien plus tard.

Il ne fut pas toujours très discipliné, son fils Marius disait qu'il avait fait du trou pour avoir enfoncé son casque sur la tête de son capitaine (ce qui ne l'empêchera pas d'avoir un certificat de bonne conduite à l'issue de son service militaire).

Il évoquera aussi souvent par la suite "la Fathma" (femme musulmane), sans plus en dire sur ce qu'il entendait par là...]
  • Le 5 octobre 1919 Clémenceau nomme le général Gouraud Haut-commissaire en Syrie-Cilicie et ses troupes (peu nombreuses : 35 000 hommes) relèvent les soldats britanniques présents au Liban et sur le littoral syrien (1/11/1919).
  • Après le départ des Anglais, les Français et le gouvernement arabe se retrouvent dans un face à face tendu. Au mois de décembre 1919, l'armée Française envahit la Bekaa (plateau situé dans la partie orientale du Liban). Dès lors les Français subissent des actes d'hostilités de la part des Arabes aux velléités nationalistes (excités par des agents britanniques) et de la part des Turcs qui cherchent à reprendre la main. C'est une guerre bien différente de celle que nos troupes viennent de mener en Europe, c'est une guérilla sans front continu, une guerre où l'action psychologique pour la conquête de la population a plus d'importance que les combats.

  • 1920 
  • Le 25 avril 1920, la SDN (Société Des Nations) confit des mandats aux Français et aux Anglais sur les provinces qu'ils occupent déjà en partie au Levant - les Américains adoptant une posture anticolonialiste pour éliminer les concurrents potentiels que sont les Empires Français et Anglais.
  • ***Désiré est versé dans la réserve à compter du 16 avril 1920***
     ***Le 7/07/1920, il est rapatrié***
  •  Le 24 juillet 1920, les Chérifiens sont vaincus - Fayçal s'enfuit. (Cependant, le reste du pays est encore hors de contrôle et, de 1920 à 1923, l'armée française combat les insurgés dans la région des Alaouites, des Druzes et d' Alep. Ce n'est qu'après trois ans de combat que les Français parviendront à vaincre les dernières résistances).
  • En septembre 1920 Les Français découperont la région en cinq entités administratives dont l'une - le Liban (lieu de refuge de minorités Chrétiennes persécutées) - sera politiquement autonome. (pour en savoir plus sur ce sujet - le dessous des cartes : http://www.youtube.com/watch?v=KGsroMXXPKY). 
  • La Syrie n'a jamais vraiment accepté cette amputation territoriale ni la perte du "Sandjak d’Alexandrette", au profit des Turcs en 1939 (cédé de peur qu'ils ne se rallient à l'Allemagne). La défaite française de 1940 et le travail de sape des Britanniques permettront à la Syrie d'accéder à son indépendance dès 1946.
 [cliquer sur la carte pour l'agrandir]
***
Désiré passera dans la réserve du 17e RAC (Régiment d'Artillerie de Campagne) le 24/08/1920, puis dans celle du 40e RAC. (il ne sera définitivement libéré de ses obligations militaires que le 7/11/1931, comme le prévoit la loi qui dispense de service armé les pères de 6 enfants, au moins)
Revenu à la vie civile il épouse le 7 mai 1921 Noémie Nantier, une jeune femme d'origine Normande que son père surveille pourtant de près ; ils auront... 11 enfants.
Ma grand-mère maternelle,
 Noémie Nantier,
à l'âge de 16 ans
Un temps laitier chez Gervais, il tiendra par la suite une petite exploitation avec son épouse...
...avant de s'éteindre le 7 septembre 1980 à Saint-Arnoult (Oise). Sa femme, Noémie, mourra quant à elle le 30 août 1988.
NB : je suis le dernier de leurs petits enfants
 ***
"Au début des années vingt Churchill exprime des doutes sur l'idée de vouloir doter la Syrie d'un régime démocratique... il conseille aimablement à la France, compte tenu du tempérament local, de chercher plutôt un roi, et le modèle de monarchie n'étant certainement pas celui des couronnes Scandinaves ! Mais convaincre Clémenceau d'instaurer la monarchie, même à Damas, c'était sans espoir..."
Jean-François Deniau, de l'académie française

1914-1918 : le soldat Gustave Nantier


Gustave Nantier naît le le 20 juin 1872 à Argueil, en Seine Inférieure (Haute Normandie). Il est le fils d'Hildevert Nantier et d'Eugénie Baillivet. Son père est herbager et subvient autant que possible aux besoins de sa famille ; sa mère est journalière et loue ses services dès qu'elle en trouve l'occasion. 
Ils ne roulent pas sur l'or : un jour - dans sa prime jeunesse ou après que Gustave fut devenu orphelin (la mémoire familiale est incertaine sur ce point) -, le fermier qui l'emploie comme commis, constate que ses souliers sont si usées, qu'il va pour ainsi dire pieds-nus : il lui en rachète en prenant sur sa paie...
La mère de Gustave meurt en 1880 après avoir donné naissance à son frère Jules qui la suivra dans la tombe deux ans plus tard. Son père disparaîtra, pour sa part, avant que le jeune homme n'ait vingt ans. C'est son grand-père maternel, Eugène, Aimé Baillivet, qui devient dès lors son tuteur...
 
Nous sommes en 1892, Gustave est maintenant un homme. Il est châtain aux yeux bleus-gris et mesure 1m65, selon les sources militaires. Etabli à Blacourt, dans l'Oise (Picardie), il exerce le métier de cultivateur...
 
Mon arrière grand-père maternel,
Gustave Nantier, en 1914
Après le recensement, le tirage au sort et le passage devant le Conseil de révision, Gustave est jugé "bon pour le service actif". Il est incorporé le 11 novembre 1893 dans le 39e RI (Régiment d'Infanterie/ armée active - classe 1892).

La loi Freycinet du 15 juillet 1889 ramène la durée du service actif à trois ans (la durée des obligations militaires est de 25 années). Gustave est l'aîné d'une fratrie d'orphelins, il bénéficie à ce titre d'une dispense et est envoyé en disponibilité avec un certificat de bonne conduite au bout d'un an de service (le 23 septembre 1894).

Le 21 mars 1896 il épouse Camille Fontaine à Villembray, dans l'Oise (Picardie).

Camille Fontaine,
mon arrière grand-mère, vers 1940
Le 1er novembre 1896 il passe dans la réserve de l'armée active et effectue les deux semaines de manœuvres auxquelles il est assujetti en 1902/1903 au 51e RI (Régiment d'Infanterie), dont le cantonnement est à Beauvais.

Il passe dans l'armée territoriale le 1er octobre 1905.
Le 10 décembre 1908, on le retrouve à Senantes (Oise - Picardie) où il vient de s'installer. De nouveau il doit sacrifier aux obligations militaires et accomplir en juin 1910 une période d'exercices au 11e RIT (Régiment d'Infanterie Territoriale).

Le 1er octobre 1912, il passe dans la réserve de l'armée territoriale...

*** En août 1914 la guerre éclate ***

 
1914
Le 1er août 1914 vers 16 heures, la France décrète la mobilisation générale. Dans chaque subdivision de région, un régiment territorial d’infanterie est constitué, avec un nombre variable de bataillons et deux sections de mitrailleuses.
L’armée territoriale et sa réserve se composent d’hommes ayant accompli le temps de service dans l’active et la réserve, âgés d’au moins 37 ans, plus encore après le prolongement de la période par la loi de 1913, et ne doivent pas être engagés en première ligne.  Ceux-ci étant considérés comme trop âgés et plus assez entraînés pour intégrer un régiment de première ligne d’active ou de réserve.
Les Territoriaux ou "Pépères", initialement chargés de différents services de gardes et cantonnés à des tâches auxiliaires, ont joué un grand rôle pendant la Première Guerre mondiale.
 
Ils seront en première ligne durant la guerre de mouvement comme à Maubeuge, sur le front de la Somme entre Amiens et Béthune sous le commandement du général Joseph Brugère.
Le 11e RIT est rattaché à la 81e Division Territoriale de campagne qui est destinée à manœuvrer à Hazebrouck et Arras, en cas de débarquement naval allemand.
Après avoir joué un rôle efficace, les groupes de divisions territoriales mises en première ligne sont dissous en octobre 1914, la guerre se stabilisant dans les tranchées...
Mobilisation et première Campagne de France 
 
« Vous êtes régiment de marche ; dans 48 heures vous pouvez être en contact avec l'ennemi ; je compte que chacun fera son devoir ». Telles sont les premières et simples paroles prononcées par le Général de GYVÈS, Commandant la 161e Brigade Territoriale, sur l'Esplanade de Beauvais, le 5 Août 1914, en leur présentant leur drapeau après une rapide mobilisation de deux jours, aux 3.000 hommes et aux 32 Officiers allant à l'ennemi sous les ordres du Lieutenant-colonel AMIOT. 
Le 11e R. I. T. comprenait en partie des Parisiens et, pour les deux tiers, des hommes des braves populations de l'Oise, pris dans les classes 1894 à 1899. Faisant d'abord partie de la 81e Division Territoriale commandée par le Général MARCOT, le Régiment est embarqué à Beauvais le 5 Août 1914 pour Hazebrouck où, du 6 au 13 Août, il complète rapidement son organisation et son instruction. Du 13 au 27 Août il est réparti en surveillance sur notre frontière du Nord : Varneton, Messines, Goldversvelde, Stenvorde sont occupés par ses unités et mis en état de défense. 
Devant l'avance rapide des Armées allemandes et se conformant à l'ordre général de repli de l'Armée française, il est envoyé à Amiens pour faire partie du groupe des quatre divisions territoriales placées sous les ordres du Général d'AMADE et chargées de couvrir cette ville. Après avoir pris contact, le 31 Août, avec les premières patrouilles allemandes, il reçoit l'ordre de se replier à nouveau pour couvrir Rouen, formant ainsi l'extrême gauche de la retraite française. Du 1er au 12 Septembre, le Groupe des Divisions Territoriales, placé sous les ordres du Général BRUGÈRE, reprend la marche en avant après la décisive victoire de la Marne et le Régiment suit l'ennemi dans sa retraite vers Amiens et Arras.
 
Gustave est incorporé au 11e RIT (Régiment d'Infanterie Territoriale)
 
A partir de ce moment le rôle glorieux du Régiment va commencer. Placé en première ligne pour permettre aux troupes actives de s'organiser en arrière et leur fournir en même temps un point d'appui, il reçoit, le 26 Septembre, le baptême du feu au combat de Vaulx-Vraucourt. Déployé dans un ordre parfait, ayant à sa droite le 12e R. I. T., il s'avance rapidement sur les batteries allemandes ; la nuit seule pourra arrêter son élan à cinq cents mètres de celles-ci. 
Le lendemain, cantonné à Bucquoy, il organise les tranchées, repousse, dans la soirée du 3 Octobre, une attaque, ennemie dans laquelle le Commandant CAZIER, du 1er Bataillon, est mortellement atteint, et s'apprête, après le violent bombardement d'Achiet-le-Petit, à recevoir l'ennemi. 
Le 4 Octobre, l'attaque ennemie, précédée d'un violent bombardement du village de Bucquoy et des tranchées, est exécutée par deux régiments de la Garde Prussienne. L'occupation de Puisieux par l'ennemi, l'absence de mitrailleuses et le peu d'artillerie de notre côté, décident le Commandement à faire replier le Régiment sur les Essarts-Manescamps ; le 3e Bataillon reçoit, le soir, l'ordre formel d'arrêter l'ennemi en avant de Fonquevillers où il résiste pendant trois jours réussissant, sous de violents bombardements, à fixer définitivement le front français sur ce point. Pendant le combat de Bucquoy, le Général MARCOT est tué et remplacé, à la tête de la Division, par le Général TRUMELET-FABERT. Le Capitaine d'HALLUIN, les Lieutenants RIEFFEL et LEMARINIER sont tués à leur poste dans les tranchées. Le Lieutenant porte-drapeau BALSAT tombe grièvement blessé ; enfin, de nombreux morts et blessés sont la rançon de la belle défense du Régiment au cours de cette journée. 

Jusqu'au 10 Octobre, les 2e et 3e Bataillons coopèrent encore, avec quelques éléments de régiments actifs, devant Bienvillers, à l'arrêt de la progression ennemie en résistant à plusieurs attaques sous de violents bombardements. Le 12 Octobre, le Régiment établit rapidement les lignes de tranchées en avant de Bailleulmont et fixe encore l'ennemi sur ce point du front. Enfin, le 13 Octobre 1914, il est relevé et va se réorganiser à quelques kilomètres en arrière du front en attendant d'être appelé à l'honneur de participer à de nouvelles et glorieuses actions.  

Première Campagne de Belgique 
Le rôle du Régiment n'est cependant pas terminé et un nouvel effort allait lui être demandé. « Dans la course à la mer avec les Allemands, a dit le Général d'URBAL, j'avais seulement deux Divisions auxquelles j'ai fait faire attaques et contre-attaques pour faire croire aux Allemands que j'avais du monde. » Le 3 Novembre 1914, à minuit, après plusieurs pénibles journées de marche, le Régiment embarque à Lillers ; le lendemain il est à Furnes ; le surlendemain il traverse Nieuport, les Cinoponts et, sous un sérieux bombardement, s'établit sur la rive droite de l'Yser, remplace les dernières unités de l'Armée Belge, résiste à plusieurs attaques de jour et de nuit, exécute lui-même des attaques vers Lombaertzyde avec d'autres régiments territoriaux et, là encore, fixe le front jusqu'à la mer en avant de Nieuport, comme viennent de le faire à Dixmude les glorieux fusiliers-marins, contribuant ainsi à arrêter l'ennemi en lui interdisant l'exécution de ses plans vers Dunkerque et Calais. Pendant le mois de Décembre, le Régiment au repos dans la région de Rexpoode exécute des tranchées du camp retranché avancé de Bergues.
 
 1915
 
Du 5 Janvier à fin Octobre 1915, le Régiment est rappelé dans le groupement de Nieuport et coopère à la défense de cette ville avec les zouaves et les fusilliers-marins sous les ordres de l'Amiral ROHNARC'H. Le 30 Avril, le Capitaine ROZIER, Commandant la 2e Compagnie, est promu Officier de la Légion d'honneur avec la belle citation suivante : « Bien qu'âgé de soixante-dix ans a tenu à reprendre du service pendant la campagne. A participé à tous les combats auxquels le Régiment a pris part sans jamais éprouver une seule défaillance, donnant ainsi le plus bel exemple de dévouement à la Patrie.» 
 
Source : Historique du 11e Régiment d’Infanterie Territoriale Imprimerie Marcel Picard, Albert Picard, Paris – 1920 (extrait)


Le 26 mars 1915, Camille envoie une lettre aux services de l'armée pour solliciter le renvoi de Gustave dans ses foyers, comme le prévoit la loi qui dispense les pères de 6 enfants, au moins. Cela lui est accordé le 9 avril 1915.



 Il sera officiellement libéré du service militaire le 1er octobre 1919.

  ***

 
Revenu à la vie civile, Gustave tient une exploitation avec son épouse et l'aide de ses enfants.

Il est passé dans la postérité comme étant un bourreau de travail : il faut arracher les chardons jusqu'au coucher du soleil et se lever pour traire les vaches à quatre heures du matin. Noémie, sa fille aînée, fait les frais de cette intransigeance : elle s'évanouit dans sa chambre. Le médecin diagnostique un rhumatisme cardiaque et sermonne son père en lui disant qu' "elle aurait pu mourir"...
Ma grand-mère, Noémie Nantier,
à l'âge de 16 ans
La jeune femme prend alors régulièrement le tortillard pour se rendre chez le docteur à Gournay-en-Bray (Seine Inférieure - Normandie) et se rétablit bientôt.
 
*

 A cette époque la France est encore largement paysanne ; les petites exploitations sont nombreuses. Les enfants fournissent une main d'œuvre naturelle et bon marché qui - hormis le gîte et le couvert - n'a pas toujours la juste rétribution du travail qu'elle fournit. Pour le reste, ceux-ci doivent souvent "quémander" leur argent de poche auprès du chef de famille.
Gustave est un paysan, pour lui un sou est un sou ; aussi quand Noémie lui demande de l'argent pour s'acheter la robe dont elle rêve pour aller au bal, il refuse.


L'objet du conflit
Furieuse, cette dernière, qui ne manque pas de caractère non plus, claque la porte et prend son indépendance (pendant un temps du moins) en allant travailler dans une ferme à Ernemont-Boutavent (Oise - Picardie).

Désormais Gustave en est réduit à surveiller sa fille et ses fréquentations (masculines) de loin. Elle épousera Désiré Andrieux le 7 mai 1921 (les deux hommes ne s'entendaient pas très bien).
mon grand-père, Désiré Andrieux,
 dans les année trente
*
Camille est moins dure que son mari : quand les hommes sont à l'ouvrage ; il lui arrive d'acheter des gâteaux sur le marché voisin pour les leur offrir.

En 1941 Marcelle, sa fille cadette, met au monde un petit garçon. Sa sœur Yvonne vient lui prêter main-forte. C'est Camille qui s'occupe des bêtes de cette dernière, en son absence. Elle trait les vaches dans un pâturage de Saint-Quentin-des-prés (Oise), comme il est de coutume à l'époque...


Elle a avec elle un "tiot" chien.

Ce dernier excite les vaches qui chargent ; l'animal se réfugie dans les jupons de sa maîtresse :

- C'est l'accident -
 
Les bêtes piétinent Camille qui ne s'en remettra pas. Hospitalisée, elle meurt des suites de ses blessures à l'âge de 64 ans.

...devenu veuf, Gustave, reportera son affection sur sa bonne (aide à domicile de l'époque).

*

...à ce jour on ignore où et quand est mort Gustave Nantier (1951 selon nos estimations) - il repose à Villembray (Oise - Picardie).
 
 
Jeune, n'oublie pas le rôle des vieux « pépères » !

préface de l'Historique du 322e Régiment d'Infanterie Territoriale
Imprimerie G. Delmas – Bordeaux - 1920