jeudi 16 avril 2015

Les yeux - René-François SULLY PRUDHOMME

Mon Père

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,

Des yeux sans nombre ont vu l'aurore.

Ils dorment au fond des tombeaux

Et le soleil se lève encore...


Les nuits plus douces que les jours

Ont enchanté des yeux sans nombre.

Les étoiles brillent toujours

Et les yeux se sont remplis d'ombre.


Oh ! Qu'ils aient perdu le regard

Non, non, cela n'est pas possible,

Ils se sont tournés quelque part

Vers ce qu'on nomme l'invisible.


Et comme les astres penchants

Nous quittent, mais au ciel demeurent

Les prunelles ont leur couchant

Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent.


Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,

Ouverts à quelque immense aurore

De l'autre côté des tombeaux

Les yeux qu'on ferme voient encore.


René-François SULLY PRUDHOMME   (1839-1907)


mon père et moi en 1978

 
1982

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